Paradis perdu

« ¿ Adonde el paraiso,
sombra, tù que has estado ?
Pregunta con silencio »
Rafael Alberti, Sobre los angeles

 

je me souviens de toi, Orfeo, te retournant

de l’éclair qui troua le ciel                et ton cœur
de la musique qui dans la ville         battit le plein
de la sarabande qui t’encerclait      soudain
du gouffre qui sous tes pas            s’ouvrit

* * *

à la Loi d’Hadès, quoi d’autre opposer ?

deux pupilles
leur blanche colère
deux diamants purs et nus
délavés déjà d’amour défait

les tiens

* * *

je me souviens de sa main jointe à la tienne
je me souviens du fol espoir
l’outre-noir, par le chant, déjoué
ruse folle

mais elle ?
et comment du jusant
alors vous cherchiez l’échappée

* * *

puissante est la loi
vaine la requête

je me souviens de toi

à l’implacable sentence
à la tentation de la falaise
à la colère (aucun gant plus jamais retourné)
à la question

où est le paradis ?

au silence qui envahit le monde
quel répons ?

obscure mélopée
surgi de l’énigme
ton chant
dérobé

*  *  *

depuis…

retissant l’hymen,
remaillant l’absence,

jour après jour
mot après mot
de page en page
de texte en texte,

de votre nuit,
de vous, disséminées dans le noir
Eurydice

nous remontons
frêle esquif

votre halo

(le deux, est-il à ce prix ?)

M.N. (29 juin 2017)
paru dans Filigranes 96, Je peins le passage

*     « Où est le paradis ?
Ombre, toi qui a vécu,
interroge en silence »
(Rafael Alberti, Sur les anges)