3 septembre 2015 (4)

Pour Odette
tant de messages, de poèmes, de musiques
ce jour de septembre, de toutes parts venus

ainsi tressons-nous à notre tour
comme une
bibliothèque dans les nuages

 (extraits des textes reçus)

Odette,
En face de moi, la mer
immense et paisible, qui se repose de l’été.
Le bleu est vert
l’eau est vert d’eau.
Je suis libre et sereine.
Tu le sais, tu fais partie des quelques personnes autour de moi ,qui m’ont amenée jusqu’ici.
Je suis libre et sereine.
Libre d’être là , maintenant, telle que je suis.
Là et maintenant.
La mer immense comme le monde.

Marianne

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« Cara Odette, grazie per essere passata nella mia vita! Il tuo ricordo è sempre presente nei miei pensieri e cercherò di portare avanti un pezzetto delle tue idee e delle tue convinzioni sulla grande rivoluzione che può portare la diffusione dei valori dell’ E.N. So che sei vicino a tutti noi e spero che tu possa aiutaci nel nostro cammino!  Questa favola filosofica « Quel che c’è da capire » è per te.
Con infinito affetto. Cristina »

Alice capisce tutto quel che c’è da capire. Quel che c’è da capire, dicevano i grandi, è in una grossa pentola, di quelle in cui si scalda l’acqua  per  la pasta; solo che questa pentola non si può più usarla per scaldare l’acqua perché qualcuno ha avuto la bella idea di metterci dentro quel che c’è da capire. Così i grandi l’hanno nascosta in cantina, in mezzo a tane cianfrusaglie, e perché quel che c’è da capire non esca fuori e si disperda ai quattro venti l’hanno sigillata ermeticamente con del nastro adesivo e sopra ci hanno messo un ferro da stiro, una chiave inglese e un’incudine – oggetti pesanti, insomma, per tenere il contenuto al sicuro.

Alice, perciò, non si è fatta scoraggiare dalle loro precauzioni ed è andata a cercare la pentola. La cosa più difficile per lei è stata scendere in cantina: la scala è stretta e buia, e in fondo bisogna girare un angolo, e mentre si scende si ha l’impressione che dietro quell’angolo ci sia qualcosa di orribile, uno di quei mostri di cui parlano le favole – le  favole finte, voglio dire, quelle scritte per imbrogliarci e spaventarci. Prima o poi, stringendo forte i denti e chiudendo gli occhi, Alice è arrivata in fondo alla scala; e quando ci è riuscita ha subito voluto riprovarci, e ha riprovato e ancora e ancora, finché poteva farlo canticchiando e saltando i gradini a due a due. Superato l’ostacolo della scala, il resto è venuto liscio come l’olio: la porta della cantina non è chiusa a chiave, la pentola è lì in bella vista  gli oggetti pesanti che ci sono sopra non occorre sollevarli. Basta inclinare la pentola e cadono di lato; allora si tratta solo di togliere il nastro adesivo e alzare il coperchio.

Alice ha compiuto questa operazione più volte. La prima volta è rimasta sorpresa, perché nella pentola non ha trovato nulla. Ha pensato che fosse l’ora sbagliata: che forse le cose si capiscono di sera, o di notte, o la mattina molto presto quando è già chiaro ma non è comparso il sole. Così è tornata, di sera, di notte, di mattina molto presto, muovendosi circospetta con i suoi piedini leggeri per non svegliare nessuno;  ma la pentola era sempre vuota. Per un po’ Alice  rimasta delusa, e si è anche preoccupata. “Sta a vedere” pensava “che aprendo la pentola ho lasciato ve ir fuori tutto quel che c’è da capire, e ora si è disperso ai quattro venti e nessuno lo troverà più”. “Ma no” si rispondeva poi  “ci sono stata bene attenta. Non ho visto niente che usciva. E, se non ho visto niente, che cosa c’era da capire?”

Alla fine, Alice ha capito. Ha capito che i grandi avevano torto: quel che c’è da capire non si mette in una pentola, non si nasconde in cantina, perché non può venirci da fuori, non può esserci dato da un altro. Ha capito che  si capisce solo quel che abbiamo dentro, e se lo capiamo bene possiamo farlo venire fuori, e costruirci case e ponti e automobili e trattori; ma, se non capiamo quel che abbiamo dentro, fuori non c’è niente da capire.

Quando ha capito, Alice ha chiuso la pentola con il nastro adesivo e faticosamente ci ha rimesso sopra l ferro d stirare, la chiave inglese e l’incudine. Da allora passa molto tempo nella sua camera, a capire quel che ha dentro; poi esce e con quel che ha capito cambia il mondo.

Ermanno Bencivenga, La filosofia in sessantadue favole

Cristina

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Je suis entré dans votre famille en juillet 1980 et j’ai ressenti ton énergie et ta force immédiatement. Toute entière au service de l’amour du français, langue et écriture, bonheur de partager cette langue avec tous, de l’offrir comme une flamme à ceux qui en manquent le plus.
Tu es de la même trempe que mes premiers instituteurs et professeurs qui m’ont greffé et insufflé cet amour. Viatique formidable, vivant et sacré pour entrer de plein pied dans la citoyenneté française et communier aux valeurs de la liberté, égalité et fraternité.
La fusion de votre amour a irradié comme un soleil votre travail de grands serviteurs de l’école française dans ce qu’elle a de plus beau et légitime. Merci à vous qui avaient distribué ensemble cette manne du coeur et de la langue si généreusement. Odette tu nous manques ! Nous essayons de nous montrer digne de toi, citoyens du monde !

Athanas
devenu pleinement français grâce à vous

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Sous l’histoire, la mémoire et l’oubli
Sous la mémoire et l’oubli, la vie.
Mais écrire sa vie est une autre histoire.
Inachèvement.

Paul Ricœur,  La mémoire, l’histoire, l’oubli

j'écris dans l'air pour Odette_NEWFiligranes N°90
une page augmentée (Jean-Jacques Dorio)
juillet 2015

Jean-Jacques

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La soirée de décembre

Amis pleins de rumeurs où êtes-vous ce soir
Dans quel coin de ma vie longtemps désaffecté ?
Oh ! je voudrais pouvoir sans bruit vous faire entendre
Ce minutieux mouvement d’herbe de mes mains
Cherchant vos mains parmi l’opaque sous l’eau plate
D’une journée, le long des rives du destin ! (…)

René-Guy Cadou, In Œuvres poétiques complètes, © éd. Seghers

 

Vous aviez tendu à notre solitude de vos mains bienveillantes
Quand nous marchions dans le brouillard des jours.
Nous cherchons vos visages dans la nasse des nuages,
Votre ferveur à être au monde dans les raies du soleil
Au-dessus des cimes. Vous vaquerez, souvenirs, dans la luminescence
Comme des voiliers sur la mer océane.
La main que vous avez tendue vers nous, ces jours passés,
Est l’aiguille de notre boussole.
Elle donne pour ici et ailleurs
le cap de la Bonne-Espérance…

Anne-Marie

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Merci à vous, parents, enfants et petits-enfants,
ami(e)s d’Odette

Hommage à toutes les langues du monde qui,
se souvenant de celles et ceux qui nous ont quittés
donnent forme à notre commune humanité

Merci, شكرا, Danke, Grazie, благодарю, Gracias, תודה

M.

3 septembre 2015 (2)

Pour Odette
tant de messages, de poèmes, de musiques
ce jour de septembre, de toutes parts venus

ainsi tressons-nous à notre tour
comme une
bibliothèque dans les nuages

 (extraits des textes reçus)

La liste de toutes les choses qui me restent :
regard, sourire, mouvement, timbre de voix, parfum, un foulard qui virevolte…
dit aussi  la cruelle fugacité des images qui échappent toujours.

Les mots aussi demeurent en-deçà de l’impression, en-deçà de ce qui s’est imprimé en moi : message de vie plein de pépites à extraire, énergie de l’espoir à libérer.

La porte n’est jamais fermée, si cette énergie continue de palpiter.

Monique

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IMG_3106Kathy

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A Odette l’assembleuse de mots,  ce texte que j’adore et que vous m’avez fait découvrir quand j’ai débuté. Chaque fois que je l’écris ou que je le dis, je pense à vous deux…

J’ai vu le menuisier
Tirer parti du bois.

J’ai vu le menuisier
Comparer plusieurs planches.

J’ai vu le menuisier
Caresser la plus belle.

J’ai vu le menuisier
Approcher le rabot.

J’ai vu le menuisier
Donner la juste forme.

Tu chantais, menuisier,
En assemblant l’armoire.

Je garde ton image
Avec l’odeur du bois.

Moi, j’assemble des mots
Et c’est un peu pareil.

Eugène Guillevic, Poèmes

Steph

 

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À toi ma petite soeur de Provence
À toi cette chanson de mon frère Pierre Alain,
que tu avais su lire comme personne d’autre
Il chante pour toi Territet, petit port au bord du lac Léman.

En contemplant le lac
Du port de Territet
Une douceur m’embarque
loin de tous les excès
(…)
De ce si bel l’automne
Aux rires du soleil
Trois pétales de rose
Comment un signe du ciel
Tout doucement se posent.

Mon pays tout petit
Sous le regard de France
Par le chemin fleuri
Je cherche l’espérance

(…)
(Texte et musique : Pierre-Alain)

Etiennette

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Capture d’écran 2015-09-06 à 00.14.45extrait du Requiem allemand (Brahms)

C’était l’aube
à tes yeux infinis
lorsque tu t’es dressée pour la Rencontre
ta mémoire mobilisée
femme et combattante
Ta passion était née
ardente fiancée en transes de don
C’est alors que nous nous sommes tous mis
à t’appeler
Camarade
C’est doux ce petit mot ondin
qui court comme un ruisselet de caresses
et nous épaule les uns contre les autres
alors que nous avons banni nos vieilles identités

Saidi Menebhi

Natalie

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A toi qui me fus lumière, ces quelques mots du poète…

« Trois respirations »
Il existe un printemps inouï éparpillé parmi les saisons et jusque sous les aisselles de la mort. Devenons la chaleur : nous porterons ses yeux.
La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut.
Nous ne serons jamais assez attentifs aux attitudes, à la cruauté, aux convulsions, aux inventions, aux blessures, à la beauté, aux jeux de cet enfant vivant près de nous avec ses trois mains, et qui se nomme le présent. »
(René Char, Recherche de la base et du sommet)

Chantal

 

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IMG_8212

Un oiseau provençal est venu s’installer chez nous, en brabant wallon. Il s’est envolé ce matin et son chant flûté et intense résonne dans la sablière.
Une seule lettre vous manque et tout est épeuplé.

Alain

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Tu perces les nuages pour rester une belle étoile qui scintille pour nous chaque jour.

« Je sens que je perds de la matière, que mes résistances physiques tombent et que je me dissous dans l’harmonie et la montée de mélodies intérieures. Une sensation diffuse, un sentiment ineffable me réduisent à une somme indéterminée de vibrations intimes et de sonorités envoûtantes. »
E.Cioran

Myriam

 

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« Je reconnais, je connais toutes choses, moi-même reconnu, salué, dans la lumière où joue le rouge-gorge orange et gris comme une fausse feuille morte. Il s’approche, s’éloigne vers son arbre au nom retrouvé, revient, me suit, me cerne, m’accompagne du vol et du chant (cette grappe, égrenée sans fin, de prière et de rire) jusqu’au seuil usé entre ses buissons de lauriers-roses, le seuil des retrouvailles, ô mère, où toute parole dans l’ineffable clarté se défait comme une vaine écume. »

Gustave ROUD, Requiem (extrait)

Agnès

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Offrande à Odette qui nous accompagne en tout instant

Le chant Haka

Debout enraciné, je balance mes mains puis les bras autour de moi et doucement je sens la présence de ceux qui m’ont quitté…

Puis je tourne dans un sens et dans l’autre de manière à embrasser toute la terre et tous les humains qui vivent sur cette terre, la Terre dont nous sommes tous nés donc où nous sommes enracinés.

Nos bras et nos mains s’ouvrent, remontent vers notre cœur et frôlent notre tête, nos cheveux et nous déversons un flot de lumière et d’amour, comme une grande cascade qui voudrait nous inonder.

Nous allons puiser à la source de notre vie, la Terre, notre corps, notre visage qui offre un sourire de joie à tous ceux qui nous ont quittés, à toi Odette.

Enfin nous pouvons leur dire, lui dire, un grand merci et les accueillir dans nos bras comme un grand bouquet de fleur qu’on serre sur notre cœur.

Claude

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jean_malrieu1

Ne serait-ce qu’une fois, si tu parlas de liberté,
Tes lèvres, pour l’avoir connue, en ont gardé le goût du sel,
Je t’en prie,
Par tous les mots qui ont approché l’espoir et qui tressaillent,
Sois celui qui marche sur la mer.
Donne-nous l’orage de demain.

Les hommes meurent sans connaître la joie.
Les pierres au gré des routes attendent la lévitation.

Si le bonheur n’est pas au monde nous partirons à sa rencontre.
Nous avons pour l’apprivoiser les merveilleux manteaux de l’incendie.

Si ta vie s’endort,
Risque-la.

Jean Malrieu (1915-1976), Préface à l’amour (1953)

Michel
(De ce poème, LES deux premiers vers
tout particulièrement, que tu citais si souvent…)

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Lire la suite…

 

3 septembre 2015 (1)

« Nous creusons une tombe dans les airs
Wir schauffeln ein Grab in den Lüften
on n’y est pas couché à l’étroit
da liegt man nicht eng »
Paul Celan « Todesfuge »

Pour Odette
tant de messages, de poèmes, de musiques
ce jour de septembre, de toutes parts venus

ainsi tressons-nous à notre tour
comme une
bibliothèque dans les nuages

 (extraits des textes reçus)

XXXVII

¿Dices que nada se crea?      Tu dis que rien ne se crée ?
No te importe, con el barro     Ne t’en soucie pas, de l’argile
de la tierra, haz una copa       de la terre fais un bol
para que beba tu hermano.    pour faire boire ton frère.

XXXVIII
¿Dices que nada se crea?      Tu dis que rien ne se crée ?
Alfarero, a tus cacharros.        Potier, retourne à tes pots.
Haz tu copa y no te importe    Fais ton bol et ne te mets pas en souci
si no puedes hacer barro.        si tu ne peux faire de l’argile.

Antonio Machado. Proverbios y Cantares Campos de Castilla (1907-1917)

Maria-Alice

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Capture d’écran 2015-09-05 à 23.40.05La mauvaise réputation (Georges Brassens)

Gérard

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Je continuerai de chanter !
Les Oiseaux me dépasseront
Allant vers des Climats plus lumineusement Jaunes –
Chacun – avec une attente de Grive –
Moi – avec mon Rouge-gorge –
Et mes Poèmes –
[…]
Emily Dickinson, Poésies complètes
(1861), traduction Françoise Delphy, édition bilingue, Flammarion, 2009.

 Gislaine

 

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Capture d’écran 2015-09-05 à 23.31.49Los libertadores (Canto general, Mikis Theodorakis & Pablo Neruda)

Les libérateurs

Voici l’arbre,
l’arbre de la tempête,
l’arbre du peuple.
Ses héros montent de la terre
comme les feuilles sortent de la sève,
et le vent étoile les feuillages,
foule bruyante,
jusqu’à ce que retombe en terre
la semence du pain.

Voici l’arbre,
l’arbre nourri de morts nus,
de morts flagellés, de morts déchirés,
de morts aux visages insupportables
empalés sur une lance,
pulvérisés par le bûcher,
décapités par la hache,
écartelés par le cheval,
crucifiés dans l’église.

Voici l’arbre,
l’arbre dont les racines sont vivantes,
il changea en salpêtre le sang des martyrs,
ses racines mangèrent du sang,
il fit sortir des larmes du sol :
il les fit monter par ses ramures,
il les répandit dans son architecture.
Elles furent des fleurs invisibles,
parfois des fleurs enterrées,
d’autrefois des fleurs qui firent briller leurs pétales
comme des planètes.

Et l’homme cueillit sur les branches
les corolles durcies,
il les donna, de main en main,
comme s’il s’agissait de magnolias ou de grenades
et aussitôt, elles ouvrirent la terre
et grandirent jusqu’aux étoiles.

Pablo Neruda, Chant général (extraits)

Capture d’écran 2015-09-05 à 23.29.42Voy vivir (Canto general, Mikis Theodorakis & Pablo Neruda)

Je veux vivre
Je ne vais pas mourir. 
Je pars en ce jour rempli de volcans 
vers l’homme en foule, vers la vie.

 J’ai tout réglé. Je laisse tout en ordre.

 Maintenant que se pavanent les bandits 
avec la « culture occidentale » à pleins bras, 
avec des mains qui tuent en Espagne
 et des gibets qui se balancent sur Athènes 
et la honte qui gouverne le Chili. 
Mais je cesse de conter.
Me voici, 
avec des mots, des peuples, des chemins 
qui à nouveau m’attendent, des constellations de mains qui frappent à ma porte.

Pablo Neruda, Chant général

Noëlle

______

Suspendue dans le firmament,
La belle lune ensoleillée,
Dans une lueur argentée,
Me montra tous ses continents
Immenses, sombres et mystérieux,
Au-dessus des nuages bleus.
Les vois-tu, toi aussi ?
Et notre mer, en sursis,
Et nos forêts, sous les pluies
Grises, acides et amères,
Et tous les enfants de la Terre…
Entends-tu, ma très chère Amie,
Tous nos chants qui toujours espèrent?

Valérie

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« PARLEZ NOUS DE LA MORT… »
Alors Almira parla, disant : nous voudrions maintenant vous questionner sur la mort. Et il dit : Vous voudriez connaître le secret de la mort. Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie ? La chouette dont les yeux faits pour la nuit sont aveugles au jour ne peut dévoiler le mystère de la lumière.
Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez amplement votre cœur au corps de la vie. Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l’océan sont un.
Dans la profondeur de vos espoirs et de vos désirs repose votre silencieuse connaissance de l’au-delà. Et tels des grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve au printemps.
Fiez-vous aux rêves, car en eux est cachée la porte de l’éternité. Votre peur de la mort n’est que le frisson du berger lorsqu’il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l’honorer. Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu’il portera l’insigne du roi ? Pourtant n’est-il pas plus conscient de son tremblement ? Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir nu dans le vent et se fondre au soleil. Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes, pour qu’il puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ?
C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment. Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter. Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.

Le prophète – Khalil Gibran

Françoise

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Capture d’écran 2015-09-05 à 23.44.19

Philippe Jaroussky (countertenor), Händel – Lascia ch’io pianga

 

L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça se cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace. Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le ré-inventer, […] mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire […]
Georges Perec, Espèce d’espace

Dans les nuages boules
Un’ petite bibliothèque
Un’ source généreuse
[…] « Source-nuage »

DSCN1719

Traditionnellement, on utilise l’image d’un fleuve pour représenter le temps qui passe. Les Chinois ont remarqué cet écoulement de l’eau dans un fleuve qui ne revient pas, mais ils ont aussi constaté aussi que, au cours de son écoulement une quantité d’eau s’évapore pour monter dans le ciel et devenir nuages, lesquels retomberont en pluie pour alimenter à nouveau le fleuve à sa source. Donc l’expression « source-nuage » évoque cette grande loi du cosmos, de la vie à travers sa circulation inépuisable […]
François Cheng – Entretiens avec Françoise Siri

Pascale

 

______

le début d’un livre lu avec Odette, qui m’intriguait,
m’effrayait un peu, me faisait rêver…

« Par un épais, brouillard du mois de septembre deux enfants, deux frères, sortaient de la ville de Phalsbourg en Lorraine. Ils venaient de franchir la grande porte fortifiée qu’on appelle porte de France. Chacun d’eux était chargé d’un petit paquet de voyageur, soigneusement attaché et retenu sur l’épaule par un bâton. Tous les deux marchaient rapidement, sans bruit ; ils avaient l’air inquiet. Malgré l’obscurité déjà grande, ils cherchèrent plus d’obscurité encore et s’en allèrent cheminant à l’écart le long des fossés.
L’aîné des deux frères, André, âgé de quatorze ans, était un robuste garçon, si grand et si fort pour son âge qu’il paraissait avoir au moins deux années de plus. Il tenait par la main son frère Julien, un joli enfant de sept ans, frêle et délicat comme une fille, malgré cela courageux et intelligent plus que ne le sont d’ordinaire les jeunes garçons de cet âge. À leurs vêtements de deuil, à l’air de tristesse répandu sur leur visage, on aurait pu deviner qu’ils étaient orphelins. Lorsqu’ils se furent un peu éloignés de la ville, le grand frère s’adressa à l’enfant et, à voix très basse, comme s’il avait eu crainte que les arbres mêmes de la route ne l’entendissent :
— N’aie pas peur, mon petit Julien, dit-il ; personne ne nous a vus sortir.
— Oh ! je n’ai pas peur, André, dit Julien ; nous faisons notre devoir, Dieu nous aidera.
— Je sais que tu es courageux, mon Julien, mais, avant d’être arrivés, nous aurons à marcher pendant plusieurs nuits ; quand tu seras trop las, il faudra me le dire : je te porterai.
— Non, non, répliqua l’enfant ; j’ai de bonnes jambes et je suis trop grand pour qu’on me porte.
Tous les deux continuèrent à marcher résolument sous la pluie froide qui commençait à tomber. La nuit, qui était venue, se faisait de plus en plus noire. Pas une étoile au ciel ne se levait pour leur sourire ; le vent secouait les grands arbres en sifflant d’une voix lugubre et envoyait des rafales d’eau au visage des enfants. N’importe, ils allaient sans hésiter, la main dans la main ».
G. Bruno, Tour de la France par deux enfants, Paris, 1904

Laure

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Tu lances certainement des encouragements aux oiseaux fatigués
par le trop long voyage
À l’enfant dont le cartable est trop lourd
tu susurres une chanson qui s’imprime dans l’air
À l’arbre tu rappelles sa couleur pourpre prochaine
tu sais ces saisons-là et toutes les autres dans les langues que tu parles

Au livre que je relis tu as laissé ta voix

Des falaises anglaises j’ai rapporté une pierre,
toi qui voulais tant parler sa langue

Peut-être te racontera-t-elle tous les rires des enfants,
leurs périples sauvages, les côtes abordées ?

De sa craie j’en suis sûre tu tireras des histoires
et auras déposé sur les murs  des villes et campagnes une invite :
Revenir à la vague
Et voguer où l’espoir fait lueur

( ensuite attendre sa victoire?)
à bientôt Odette

Isabel

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Prière

Chère Odette, Où que nous soyons, nous y serons ce trois septembre. Tu sais, tous tes chantiers sont encore en chantier. Rien n’est solidement construit, sinon la détermination à construire. Tu peux toujours ajouter ta voix aux nôtres pour dire NON au chiffrage de l’humain, au triage, à l’étalonnage, au naufrage, au bourrage de crâne et et à tous les dommages qui sont de moins en moins collatéraux.
On ne va pas te leurrer, ça ne va pas fort, mais on continue à remonter nos rochers. Ils sont lourds, lourds…
Mais si ! Nous sommes heureux, heureux d’ouvrir encore des espaces de paroles libres, des petites cabanes de fraternité, des abris d’échange. Et nous sommes heureux parce que ta présence nous anime, quoique nous fassions, même si pour certains, comme moi, donnons l’impression d’être en retrait.
Oui, il y a “le Diable en France”,disait Lion Feuchtwanger, interné du camp des Milles, dans son livre autobiographique, pas qu’en France… et “Il n’y aura pas de paradis” pour Ryszard Kapuscinski. Au passage, je recommande ces deux livres pour la Bibliothèque des Nuages.
Si tu peux faire quelque chose, n’hésite pas, je sais bien que ce n’est pas dans ta nature. Il est évident que tu fais toujours quelque chose pour nous. On en voudrait pourtant un  peu plus, parce que ta présence terrestre nous manque. Quand tu nous” bottais les fesses”, ça nous poussait un peu plus loin. Ne nous oublie pas, pense bien fort à nous, s‘il te plait, encore et encore… Merci.

Nicole

______
LIEBESLIED

Weiß sind die Tulpen; neige dich über mich.
Die Nacht tauscht Wind für fächelnde Hände ein.
Sag:es werden die Falter schwärmen?
Sag:mein Mund wird der einzige Kelch sein?
Und du schließt dein Aug vor dem rötlichen Schimmer –
sag?

Denn diesmal – fühlst du? – läßt dich mein Arm nicht mehr
in die Welt…
Weiß sind die Tulpen; neige dich über mich.

( Paul Celan, Todesfuge)

CHANSON D’AMOUR

Blanches, les tulipes ; penche toi sur moi
Du vent, la nuit fait le troc, mains qui tremblent.
Dis : les papillons seront-ils nuée ?
Dis : ma bouche, le seul calice ?
Et l’oeil, tu le fermes devant le rougeoyant scintillement  –
Dis ?

Car, cette fois-ci – le sens-tu ? mon bras ne te laisse plus
parcourir le monde
Blanches les tulipes ; penche toi sur moi

(d’après Paul Celan, Fugue de mort –  (trad. M.N.),
poète de langue allemande, d’origine roumaine,
dont les parents périrent dans les Camps de la mort.

Michel

___________

Lire la suite…

D’elle, dire le lieu, le jardin,

"Certaines pierres sont fragiles et c’est à la mémoire
 qu’il revient de les soutenir. Le temps humain est si court !"
Filigranes n°48, Paroles de pierres * (Edito O.M.Neumayer)

du vert de mille fleurs plantées
dire le rouge frondeur

d’un frêle feuillage qui va qui vient
sous la caresse de l’été finissant
dire     le consentement
la nuque offerte
et l’abandon

d’un olivier feuillu
dire     le nom

de ce que furent tes patronymes
dire     l’amère leçon
le bruissement
des disparus

de la mousse à la base du pot
de sa persistance dans la mémoire
dire     le frisson

femme
abri frais
inaccessible
follement*

du béton rêche de ce jardin de dalles
de ce qui crisse, creuse, craque
dire     l’effritement

du petit pan de mur
que tu aimais
dear
l’ocre jaune*

des galets que plus tard sur le marbre nous avons posés
dire     le nombre, la lettre qu’ils dessinent
l’attachement

de la pluie de ce jour
dire     le voile
d’un manteau de brouillard posé sur toi
dire     l’enveloppement

du carreau de fortune où ton nom au feutre est tracé
dire     le plein,
dire     le creux
l’insondable
du O

du train qui passe en surplomb
du grondement qu’il annonce
de sa trace en nous
dire     l’ébranlement

du pas du visiteur au retour
de l’entrelacement des allées, des amours et des noms
dire     l’estompe
le retrait
noir soleil
du déchiffrement

de ce jardin d’elle et de vent
de cette terre d’accueil
à mi-hauteur de mots

dire pareillement
le paradoxe
la ressource et le chant

tout ce qui en nous est
terreau
déjà

Pour O.
(en italique*, textes, bribes de toi)
M.N.
(Filigranes 88, Du faire au dire)

 

 

        POUR O - FENESTRELLES - 24 12 14

« Nul ne signe l’éclair »

(De O.N à B. à la mort de son père)

« Nul ne signe l’éclair.
Nul ne dit à l’ombre montante, arrête toi.
Quelque part s’organise un complot.
La destruction s’avance.
Les visages sont encore heureux.
N’explique pas, désarroi,
Ce qui pleure, ce qui a froid
Ce qui est noir est aussi l’azur. »
Jean Malrieu

P3090834

(Photo MN – tivoli (I.) 2014 – villa d’Hadrien))