3 septembre 2015 (2)

Pour Odette
tant de messages, de poèmes, de musiques
ce jour de septembre, de toutes parts venus

ainsi tressons-nous à notre tour
comme une
bibliothèque dans les nuages

 (extraits des textes reçus)

La liste de toutes les choses qui me restent :
regard, sourire, mouvement, timbre de voix, parfum, un foulard qui virevolte…
dit aussi  la cruelle fugacité des images qui échappent toujours.

Les mots aussi demeurent en-deçà de l’impression, en-deçà de ce qui s’est imprimé en moi : message de vie plein de pépites à extraire, énergie de l’espoir à libérer.

La porte n’est jamais fermée, si cette énergie continue de palpiter.

Monique

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IMG_3106Kathy

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A Odette l’assembleuse de mots,  ce texte que j’adore et que vous m’avez fait découvrir quand j’ai débuté. Chaque fois que je l’écris ou que je le dis, je pense à vous deux…

J’ai vu le menuisier
Tirer parti du bois.

J’ai vu le menuisier
Comparer plusieurs planches.

J’ai vu le menuisier
Caresser la plus belle.

J’ai vu le menuisier
Approcher le rabot.

J’ai vu le menuisier
Donner la juste forme.

Tu chantais, menuisier,
En assemblant l’armoire.

Je garde ton image
Avec l’odeur du bois.

Moi, j’assemble des mots
Et c’est un peu pareil.

Eugène Guillevic, Poèmes

Steph

 

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À toi ma petite soeur de Provence
À toi cette chanson de mon frère Pierre Alain,
que tu avais su lire comme personne d’autre
Il chante pour toi Territet, petit port au bord du lac Léman.

En contemplant le lac
Du port de Territet
Une douceur m’embarque
loin de tous les excès
(…)
De ce si bel l’automne
Aux rires du soleil
Trois pétales de rose
Comment un signe du ciel
Tout doucement se posent.

Mon pays tout petit
Sous le regard de France
Par le chemin fleuri
Je cherche l’espérance

(…)
(Texte et musique : Pierre-Alain)

Etiennette

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Capture d’écran 2015-09-06 à 00.14.45extrait du Requiem allemand (Brahms)

C’était l’aube
à tes yeux infinis
lorsque tu t’es dressée pour la Rencontre
ta mémoire mobilisée
femme et combattante
Ta passion était née
ardente fiancée en transes de don
C’est alors que nous nous sommes tous mis
à t’appeler
Camarade
C’est doux ce petit mot ondin
qui court comme un ruisselet de caresses
et nous épaule les uns contre les autres
alors que nous avons banni nos vieilles identités

Saidi Menebhi

Natalie

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A toi qui me fus lumière, ces quelques mots du poète…

« Trois respirations »
Il existe un printemps inouï éparpillé parmi les saisons et jusque sous les aisselles de la mort. Devenons la chaleur : nous porterons ses yeux.
La parole soulève plus de terre que le fossoyeur ne le peut.
Nous ne serons jamais assez attentifs aux attitudes, à la cruauté, aux convulsions, aux inventions, aux blessures, à la beauté, aux jeux de cet enfant vivant près de nous avec ses trois mains, et qui se nomme le présent. »
(René Char, Recherche de la base et du sommet)

Chantal

 

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Un oiseau provençal est venu s’installer chez nous, en brabant wallon. Il s’est envolé ce matin et son chant flûté et intense résonne dans la sablière.
Une seule lettre vous manque et tout est épeuplé.

Alain

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Tu perces les nuages pour rester une belle étoile qui scintille pour nous chaque jour.

« Je sens que je perds de la matière, que mes résistances physiques tombent et que je me dissous dans l’harmonie et la montée de mélodies intérieures. Une sensation diffuse, un sentiment ineffable me réduisent à une somme indéterminée de vibrations intimes et de sonorités envoûtantes. »
E.Cioran

Myriam

 

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« Je reconnais, je connais toutes choses, moi-même reconnu, salué, dans la lumière où joue le rouge-gorge orange et gris comme une fausse feuille morte. Il s’approche, s’éloigne vers son arbre au nom retrouvé, revient, me suit, me cerne, m’accompagne du vol et du chant (cette grappe, égrenée sans fin, de prière et de rire) jusqu’au seuil usé entre ses buissons de lauriers-roses, le seuil des retrouvailles, ô mère, où toute parole dans l’ineffable clarté se défait comme une vaine écume. »

Gustave ROUD, Requiem (extrait)

Agnès

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Offrande à Odette qui nous accompagne en tout instant

Le chant Haka

Debout enraciné, je balance mes mains puis les bras autour de moi et doucement je sens la présence de ceux qui m’ont quitté…

Puis je tourne dans un sens et dans l’autre de manière à embrasser toute la terre et tous les humains qui vivent sur cette terre, la Terre dont nous sommes tous nés donc où nous sommes enracinés.

Nos bras et nos mains s’ouvrent, remontent vers notre cœur et frôlent notre tête, nos cheveux et nous déversons un flot de lumière et d’amour, comme une grande cascade qui voudrait nous inonder.

Nous allons puiser à la source de notre vie, la Terre, notre corps, notre visage qui offre un sourire de joie à tous ceux qui nous ont quittés, à toi Odette.

Enfin nous pouvons leur dire, lui dire, un grand merci et les accueillir dans nos bras comme un grand bouquet de fleur qu’on serre sur notre cœur.

Claude

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jean_malrieu1

Ne serait-ce qu’une fois, si tu parlas de liberté,
Tes lèvres, pour l’avoir connue, en ont gardé le goût du sel,
Je t’en prie,
Par tous les mots qui ont approché l’espoir et qui tressaillent,
Sois celui qui marche sur la mer.
Donne-nous l’orage de demain.

Les hommes meurent sans connaître la joie.
Les pierres au gré des routes attendent la lévitation.

Si le bonheur n’est pas au monde nous partirons à sa rencontre.
Nous avons pour l’apprivoiser les merveilleux manteaux de l’incendie.

Si ta vie s’endort,
Risque-la.

Jean Malrieu (1915-1976), Préface à l’amour (1953)

Michel
(De ce poème, LES deux premiers vers
tout particulièrement, que tu citais si souvent…)

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Lire la suite…

 

3 septembre 2015 (1)

« Nous creusons une tombe dans les airs
Wir schauffeln ein Grab in den Lüften
on n’y est pas couché à l’étroit
da liegt man nicht eng »
Paul Celan « Todesfuge »

Pour Odette
tant de messages, de poèmes, de musiques
ce jour de septembre, de toutes parts venus

ainsi tressons-nous à notre tour
comme une
bibliothèque dans les nuages

 (extraits des textes reçus)

XXXVII

¿Dices que nada se crea?      Tu dis que rien ne se crée ?
No te importe, con el barro     Ne t’en soucie pas, de l’argile
de la tierra, haz una copa       de la terre fais un bol
para que beba tu hermano.    pour faire boire ton frère.

XXXVIII
¿Dices que nada se crea?      Tu dis que rien ne se crée ?
Alfarero, a tus cacharros.        Potier, retourne à tes pots.
Haz tu copa y no te importe    Fais ton bol et ne te mets pas en souci
si no puedes hacer barro.        si tu ne peux faire de l’argile.

Antonio Machado. Proverbios y Cantares Campos de Castilla (1907-1917)

Maria-Alice

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Capture d’écran 2015-09-05 à 23.40.05La mauvaise réputation (Georges Brassens)

Gérard

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Je continuerai de chanter !
Les Oiseaux me dépasseront
Allant vers des Climats plus lumineusement Jaunes –
Chacun – avec une attente de Grive –
Moi – avec mon Rouge-gorge –
Et mes Poèmes –
[…]
Emily Dickinson, Poésies complètes
(1861), traduction Françoise Delphy, édition bilingue, Flammarion, 2009.

 Gislaine

 

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Capture d’écran 2015-09-05 à 23.31.49Los libertadores (Canto general, Mikis Theodorakis & Pablo Neruda)

Les libérateurs

Voici l’arbre,
l’arbre de la tempête,
l’arbre du peuple.
Ses héros montent de la terre
comme les feuilles sortent de la sève,
et le vent étoile les feuillages,
foule bruyante,
jusqu’à ce que retombe en terre
la semence du pain.

Voici l’arbre,
l’arbre nourri de morts nus,
de morts flagellés, de morts déchirés,
de morts aux visages insupportables
empalés sur une lance,
pulvérisés par le bûcher,
décapités par la hache,
écartelés par le cheval,
crucifiés dans l’église.

Voici l’arbre,
l’arbre dont les racines sont vivantes,
il changea en salpêtre le sang des martyrs,
ses racines mangèrent du sang,
il fit sortir des larmes du sol :
il les fit monter par ses ramures,
il les répandit dans son architecture.
Elles furent des fleurs invisibles,
parfois des fleurs enterrées,
d’autrefois des fleurs qui firent briller leurs pétales
comme des planètes.

Et l’homme cueillit sur les branches
les corolles durcies,
il les donna, de main en main,
comme s’il s’agissait de magnolias ou de grenades
et aussitôt, elles ouvrirent la terre
et grandirent jusqu’aux étoiles.

Pablo Neruda, Chant général (extraits)

Capture d’écran 2015-09-05 à 23.29.42Voy vivir (Canto general, Mikis Theodorakis & Pablo Neruda)

Je veux vivre
Je ne vais pas mourir. 
Je pars en ce jour rempli de volcans 
vers l’homme en foule, vers la vie.

 J’ai tout réglé. Je laisse tout en ordre.

 Maintenant que se pavanent les bandits 
avec la « culture occidentale » à pleins bras, 
avec des mains qui tuent en Espagne
 et des gibets qui se balancent sur Athènes 
et la honte qui gouverne le Chili. 
Mais je cesse de conter.
Me voici, 
avec des mots, des peuples, des chemins 
qui à nouveau m’attendent, des constellations de mains qui frappent à ma porte.

Pablo Neruda, Chant général

Noëlle

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Suspendue dans le firmament,
La belle lune ensoleillée,
Dans une lueur argentée,
Me montra tous ses continents
Immenses, sombres et mystérieux,
Au-dessus des nuages bleus.
Les vois-tu, toi aussi ?
Et notre mer, en sursis,
Et nos forêts, sous les pluies
Grises, acides et amères,
Et tous les enfants de la Terre…
Entends-tu, ma très chère Amie,
Tous nos chants qui toujours espèrent?

Valérie

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« PARLEZ NOUS DE LA MORT… »
Alors Almira parla, disant : nous voudrions maintenant vous questionner sur la mort. Et il dit : Vous voudriez connaître le secret de la mort. Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie ? La chouette dont les yeux faits pour la nuit sont aveugles au jour ne peut dévoiler le mystère de la lumière.
Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez amplement votre cœur au corps de la vie. Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l’océan sont un.
Dans la profondeur de vos espoirs et de vos désirs repose votre silencieuse connaissance de l’au-delà. Et tels des grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve au printemps.
Fiez-vous aux rêves, car en eux est cachée la porte de l’éternité. Votre peur de la mort n’est que le frisson du berger lorsqu’il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l’honorer. Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu’il portera l’insigne du roi ? Pourtant n’est-il pas plus conscient de son tremblement ? Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir nu dans le vent et se fondre au soleil. Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes, pour qu’il puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ?
C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment. Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter. Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.

Le prophète – Khalil Gibran

Françoise

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Capture d’écran 2015-09-05 à 23.44.19

Philippe Jaroussky (countertenor), Händel – Lascia ch’io pianga

 

L’espace de notre vie n’est ni continu, ni infini, ni homogène, ni isotrope. Mais sait-on précisément où il se brise, où il se déconnecte et où il se rassemble ? On sent confusément des fissures, des hiatus, des points de friction, on a parfois la vague impression que ça coince quelque part, ou que ça éclate, ou que ça se cogne. Nous cherchons rarement à en savoir davantage et le plus souvent nous passons d’un endroit à l’autre, d’un espace à l’autre sans songer à mesurer, à prendre en charge, à prendre en compte ces laps d’espace. Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le ré-inventer, […] mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire […]
Georges Perec, Espèce d’espace

Dans les nuages boules
Un’ petite bibliothèque
Un’ source généreuse
[…] « Source-nuage »

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Traditionnellement, on utilise l’image d’un fleuve pour représenter le temps qui passe. Les Chinois ont remarqué cet écoulement de l’eau dans un fleuve qui ne revient pas, mais ils ont aussi constaté aussi que, au cours de son écoulement une quantité d’eau s’évapore pour monter dans le ciel et devenir nuages, lesquels retomberont en pluie pour alimenter à nouveau le fleuve à sa source. Donc l’expression « source-nuage » évoque cette grande loi du cosmos, de la vie à travers sa circulation inépuisable […]
François Cheng – Entretiens avec Françoise Siri

Pascale

 

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le début d’un livre lu avec Odette, qui m’intriguait,
m’effrayait un peu, me faisait rêver…

« Par un épais, brouillard du mois de septembre deux enfants, deux frères, sortaient de la ville de Phalsbourg en Lorraine. Ils venaient de franchir la grande porte fortifiée qu’on appelle porte de France. Chacun d’eux était chargé d’un petit paquet de voyageur, soigneusement attaché et retenu sur l’épaule par un bâton. Tous les deux marchaient rapidement, sans bruit ; ils avaient l’air inquiet. Malgré l’obscurité déjà grande, ils cherchèrent plus d’obscurité encore et s’en allèrent cheminant à l’écart le long des fossés.
L’aîné des deux frères, André, âgé de quatorze ans, était un robuste garçon, si grand et si fort pour son âge qu’il paraissait avoir au moins deux années de plus. Il tenait par la main son frère Julien, un joli enfant de sept ans, frêle et délicat comme une fille, malgré cela courageux et intelligent plus que ne le sont d’ordinaire les jeunes garçons de cet âge. À leurs vêtements de deuil, à l’air de tristesse répandu sur leur visage, on aurait pu deviner qu’ils étaient orphelins. Lorsqu’ils se furent un peu éloignés de la ville, le grand frère s’adressa à l’enfant et, à voix très basse, comme s’il avait eu crainte que les arbres mêmes de la route ne l’entendissent :
— N’aie pas peur, mon petit Julien, dit-il ; personne ne nous a vus sortir.
— Oh ! je n’ai pas peur, André, dit Julien ; nous faisons notre devoir, Dieu nous aidera.
— Je sais que tu es courageux, mon Julien, mais, avant d’être arrivés, nous aurons à marcher pendant plusieurs nuits ; quand tu seras trop las, il faudra me le dire : je te porterai.
— Non, non, répliqua l’enfant ; j’ai de bonnes jambes et je suis trop grand pour qu’on me porte.
Tous les deux continuèrent à marcher résolument sous la pluie froide qui commençait à tomber. La nuit, qui était venue, se faisait de plus en plus noire. Pas une étoile au ciel ne se levait pour leur sourire ; le vent secouait les grands arbres en sifflant d’une voix lugubre et envoyait des rafales d’eau au visage des enfants. N’importe, ils allaient sans hésiter, la main dans la main ».
G. Bruno, Tour de la France par deux enfants, Paris, 1904

Laure

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Tu lances certainement des encouragements aux oiseaux fatigués
par le trop long voyage
À l’enfant dont le cartable est trop lourd
tu susurres une chanson qui s’imprime dans l’air
À l’arbre tu rappelles sa couleur pourpre prochaine
tu sais ces saisons-là et toutes les autres dans les langues que tu parles

Au livre que je relis tu as laissé ta voix

Des falaises anglaises j’ai rapporté une pierre,
toi qui voulais tant parler sa langue

Peut-être te racontera-t-elle tous les rires des enfants,
leurs périples sauvages, les côtes abordées ?

De sa craie j’en suis sûre tu tireras des histoires
et auras déposé sur les murs  des villes et campagnes une invite :
Revenir à la vague
Et voguer où l’espoir fait lueur

( ensuite attendre sa victoire?)
à bientôt Odette

Isabel

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Prière

Chère Odette, Où que nous soyons, nous y serons ce trois septembre. Tu sais, tous tes chantiers sont encore en chantier. Rien n’est solidement construit, sinon la détermination à construire. Tu peux toujours ajouter ta voix aux nôtres pour dire NON au chiffrage de l’humain, au triage, à l’étalonnage, au naufrage, au bourrage de crâne et et à tous les dommages qui sont de moins en moins collatéraux.
On ne va pas te leurrer, ça ne va pas fort, mais on continue à remonter nos rochers. Ils sont lourds, lourds…
Mais si ! Nous sommes heureux, heureux d’ouvrir encore des espaces de paroles libres, des petites cabanes de fraternité, des abris d’échange. Et nous sommes heureux parce que ta présence nous anime, quoique nous fassions, même si pour certains, comme moi, donnons l’impression d’être en retrait.
Oui, il y a “le Diable en France”,disait Lion Feuchtwanger, interné du camp des Milles, dans son livre autobiographique, pas qu’en France… et “Il n’y aura pas de paradis” pour Ryszard Kapuscinski. Au passage, je recommande ces deux livres pour la Bibliothèque des Nuages.
Si tu peux faire quelque chose, n’hésite pas, je sais bien que ce n’est pas dans ta nature. Il est évident que tu fais toujours quelque chose pour nous. On en voudrait pourtant un  peu plus, parce que ta présence terrestre nous manque. Quand tu nous” bottais les fesses”, ça nous poussait un peu plus loin. Ne nous oublie pas, pense bien fort à nous, s‘il te plait, encore et encore… Merci.

Nicole

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LIEBESLIED

Weiß sind die Tulpen; neige dich über mich.
Die Nacht tauscht Wind für fächelnde Hände ein.
Sag:es werden die Falter schwärmen?
Sag:mein Mund wird der einzige Kelch sein?
Und du schließt dein Aug vor dem rötlichen Schimmer –
sag?

Denn diesmal – fühlst du? – läßt dich mein Arm nicht mehr
in die Welt…
Weiß sind die Tulpen; neige dich über mich.

( Paul Celan, Todesfuge)

CHANSON D’AMOUR

Blanches, les tulipes ; penche toi sur moi
Du vent, la nuit fait le troc, mains qui tremblent.
Dis : les papillons seront-ils nuée ?
Dis : ma bouche, le seul calice ?
Et l’oeil, tu le fermes devant le rougeoyant scintillement  –
Dis ?

Car, cette fois-ci – le sens-tu ? mon bras ne te laisse plus
parcourir le monde
Blanches les tulipes ; penche toi sur moi

(d’après Paul Celan, Fugue de mort –  (trad. M.N.),
poète de langue allemande, d’origine roumaine,
dont les parents périrent dans les Camps de la mort.

Michel

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l’autre moitié de toi (2)

Image

barrère claude 3

 (c) Claude Barrère, Filigranes

 

l’autre moitié de toi
est un petit bout de jardin quelques brins d’herbe
à l’arrière de la maison

l’autre moitié de toi
est la rose sauvage sous le cerisier
le rouge baiser des grappes

bouche avide

l’autre moitié de toi
trois carrés de terre encore
un sol que je griffe
quelques fleurs plantées

un train file dans le soir
nos mots d’avant

herbe folle

tourbe chaude
lucioles que
j’enfouis

***

de cela,
de ce qui n’en finit pas
si frêle, farouche

sous mes doigts
je démêle

du tien, le mien
l’écheveau

l’inarticulé

à la nuit tombée
m’en retournant vers la maison
ce que j’emporte

schibboleth
visage
et mot de passe

est clef

d’un savoir
que toi seule
connais

M.N. (Pour O.)

(Paru dans FILIGRANES 90, « Hors de prix »)

Rêves en bestiaire et autres fuites

Rêve de la nuit du 9 au 10 octobre 1981

Je suis avec quelqu’un. J’aperçois MR sans maquillage du tout. Ça la change.  Un homme jeune s’occupe de ses deux chiennes blanches et espiègles. Ils vont s’embarquer en mer pour une croisière. On se retrouve tous assis dans une sorte de véhicule circulaire à gradins. Derrière moi, de jeunes enfants. Je leur fais : «a bou glou ». « Ah ! Voilà ce que j’essaye de faire depuis longtemps », dit l’un d’entre-eux, reconnaissant…

Rêve de la nuit du 2 au 3 avril 1984

Cela commence avec une machine à découper les savonnettes en tranches. À produire des sortes de quilles en savon. Je ne sais faire que des tranches, pour le reste il faut mieux connaître le maniement de la machine que je ne le connais…

Rêve de la nuit du 11 au 12 août 1984

Souvenir d’un chien appartenant peut-être à Tino Rossi, un basset extrêmement gâté au point de vue victuailles. Pour lui, un violon dont le manche est en saucisson et l’archer découpe une rondelle À chaque note. Le chien est aussi en forme de saucisson monté sur pattes…

Rêve de la nuit du 26 au 27 octobre 1983

Où il est question de corriger des… sardines. En effet, dans cet établissement scolaire, ou du moins dans l’ambiance qu’il le représente, je dois corriger des sardines. Les élèves me les ont rendues. Enveloppées, étêtées, bleues dans leur papier blanc.
Et moi, je dois les goûter pour voir si elles sont bien cuites. Je commence à corriger mais se greffe là-dessus une histoire de clé, petite clé, que je ne dois donner qu’à un seul élève et que je promets à plusieurs, sans savoir exactement à qui. Finalement je reviens à mes sardines, mais je suis en retard, il est presque l’heure et cela me fait jouir pour de bon…

Rêve de la nuit du 3 au 4 août 1984

Un repas d’élève. Chacun doit me présenter sa sardine qu’il a cuite. Sans tête et sans peau. Du bout de mon ongle rose à gauche et d’un couteau à droite, comme je décolle délicatement les deux parties. Après plusieurs vérifications, je laisse tomber. Distribution de saucisses entrelardées d’un gros morceau de fromage…

La fuite. Rêve de la nuit du 18 au 19 juillet 1983

Cette nuit s’est terminée par une course-poursuite à flanc de coteaux. Toujours le même scénario : je me sens, je me crois poursuivie et je galope. Ici à travers prés, ailleurs, en ouvrant porte sur porte. Le secret, c’est que personne ne me coure après. Je me retourne plusieurs fois pour moi assurer, et pourtant, je coure.

Rêve de la nuit du 28 au 29 juillet 1984

« Je » est un garçon menacé par une bande et qui fuit avec une sorte de « moi », d’esprit protecteur. Il faut pour cela escalader une pente sableuse, qui ne se prête pas forcément à la vitesse, même qu’à mi-hauteur on redégringole. Il faut pourtant fuir, et vite ! Nous arrivons devant une porte dont la clé, cassée en deux, se trouve à un endroit où il y a habituellement un œil. C’est difficile de faire coïncider les deux morceaux, dont l’un est dans la serrure et l’autre dans la main, surtout qu’on est poursuivi et que le salut passe par ce trou…

 o o o

Rêve Fiction

Poursuivante est poursuivie
La fuite se donne à suivre
Mais
Je ne rencontre jamais
Que moi.
L’itinéraire est toujours le même
Mais
La langue m’est inconnueEt le dessein n’a pas de sens.
Étranges
Les chansons enfouies
Comme des bijoux dans des jarres
Ne seront dites que plus tard…
Quand l’eau des mots
Sera musique du rêve
Car
Il est évident maintenant
Que les portes à jamais refermées
Sont là pour être ouvertes.

31 août 1984

Rêve de rêve

Mon rêve est là, sous la langue
Sous la main
À la porte des profondeurs.

Il ne veut pas sortir
Je ne peux pas entrer
Je le vois
Il m’attend et m’échappe à la fois.

Impossible de le mettre en mots
Il ne se laisse pas faire

Je crois pouvoir le fixer
Attraper un fil conducteur
Mais je m’épuise à vouloir
Retrouvez la chimère nocturne
Elle se refuse à moi.

Odette Neumayer
Paru dans Filigrane n°3, Morceaux de rêve pris dans un coin.
1985

Traduction

Entrée dans l’absence du mot
Jouissance
On joue avec l’autre dit
Silence de la feuille écrite

On fait craquer la langue
À contre-sens
Les ponts sont passés
On trahit d’obscures frontières

Odette Neumayer
Paru dans Filigranes n°1, Fragments
22 juin 1984.

Depuis le jour

Depuis le jour
Où elle m’avait lavé
Elle gémissait
La nuit   de
soupçons
un rien

Mais
Vers lequel infiniment tendre
Vers lequel tendre infiniment
Se défiant méfiante
Des forces d’avant
La nuit
Où elle m’avait lavé

Odette Neumayer
Paru dans Filigranes n°1, Fragments, 1984

À la limite du point K

À la limite du point K
Dans le délire de l’oiseau pince
Se déroulait, original, le ruban de Möbius.
Plein de sens, est frisé de nœud,
Il contourner la belle Achiffa
Et la retenait captive.
La voyant, elle, lecture encore à faire,
Odeur à patiner, liée dans cette courbe fermée,
Le Prince Origan décida de la délier,
Le vent l’aida de sa musique
En biais.

Odette Neumayer
Paru dans Filigranes N°1, Fragments, 1984

Suivi administratif

fili78grd

Teint jaune, encre pâlie, paraphe désuet. Soixante-six ans après, il me parvint ! Un feuillet petit format, presque rien, mais une trace tout de même. Attestant, administrant la preuve que celui-dont-nous-parlons était bien, tel jour, à telle heure, passé par ce lieu, je veux dire : D.
C’était le 23 mai 1944. Ce qu’il avait dans les poches : autant dire pas grand-chose. Ce qu’il avait dans la tête ? L’imprimé ne le dit pas. Dans le cœur encore moins.
Suprême ironie : « Reçu de Monsieur B. la somme de 440 francs ». Signé : « Le Chef de la police ». Tout était en règle !
Stipulant en creux que Monsieur B. avait volontairement déposé le contenu de ses poches entre des mains non contestables et que celui-ci lui serait, évidemment, rendu.
Monsieur B. pouvait partir tranquille vers des destinations inconnues de lui. Destin aléatoire, il avait l’assurance signée que son maigre bien lui serait remis en l’état à son retour. Tout allait pour le mieux…
Et puis, deux chiffres, préfiguration de l’avenir ? L’un, 23113, souligné au crayon bleu, l’autre 4780 était le numéro du feuillet. Un troisième, plus tard, quelques jours plus tard, à l’issue d’un long voyage en train, serait fort proprement tatoué sur son avant-bras gauche à l’encre indélébile.
Pour l’heure, celui-dont-nous-parlons ne le savait pas. Pas plus d’ailleurs que ses nombreux compagnons. La cité de D., réquisitionnée depuis le 14 juillet 1940 et transformée en camp le 20 août 1941, n’allait pas les garder longtemps en ses murs.
Les Responsables avaient bien fait leur travail d’enregistrement, de classement, d’organisation. L’honneur était sauf ! On avait
le quota suffisant pour remplir les wagons, l’avant-dernier convoi pourrait partir à temps.
Là-bas, on aurait un autre type d’accueil. Des structures et des méthodes plus strictes, moins conciliantes. Des chiens, vous dis-je ! Il n’y a pas de fumées sans feu !

Odette Neumayer
Filigranes N°78

(Hommage à L.B.)

après demain

IMG_3368 - copie
ce que j’ai fait
d’une ramée de mots
sur ton corps
 posée
trois brins 
j’ai tirés

trois rubans de parole
perles de pluie
parure

la soie et bien plus
tout ce
qu’en toi
pli
fut
ce que j’ai fait
de la hampe dressée
laiton fiché dans la dalle
de sa vérité muette
le galbe
j’ai poli
mais ce n’est pas un point

une virgule
tout au plus
dans l’éternité
ce que j’ai fait
autour de ta demeure
tous ceux qu’ensemble
avons aimés
les ai rassemblés

alors
la clôture
posée

l’avons
enjambée
Nous
est un miroir sans
fin
M.N (pour O.)